« Car tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime. »
Is 43
J’ai honte.
De toute mon âme, j’ai honte.
Parce que, l’anatomie que je transmets, chaque jour, et du mieux que je peux, à l’humain vivant et émerveillé qui rencontre, via cette connaissance, sa propre beauté, cette anatomie, je l’ai héritée d’une personne héritée d’une personne héritée d’une personne héritée d’un sage ou d’un fou, curieux, effrayé, effrayant et vaillant plus encore, qui a, dans l’absolu interdit, timidement ouvert le corps du plus généreux et du plus petit d’entre nous.
Combien de prisonniers ayant déjà physiquement payé lourde dette à notre société bancale ont permis, sans le moindre gré, nombres de découvertes ?
Combien d’abandonnés ont été, sont et seront utilisés, et sublimement utiles, après passage à trépas et sous lame brillante de scalpel ?
Combien de corps enfin avoués des décennies après l’arme à gauche de l’illustre italien ?
Qui sait encore que partagent la même étymologie les mots anatomie et dissection ?….
J’ai honte.
Ne partageons-nous pas tous cette même opprobre ?
De notre monnaie cotisée pour l’unique Bien Commun naît l’horreur.
L’établissement public, quel et où qu’il soit, est le fait de tous, il n’existe que par la sueur de nos fronts et la récolte mutualisée du labeur quotidien.
Et voilà découverte glaçante : nous ne nous trouvons collégialement plus capables d’accompagner à hauteur du respect de leur Vie les plus généreux et les plus petits d’entre nous.
Je lis : corps entassés.
J’ai honte.
Et je suis hébétée.
Nous, les pédagogues, les anatomistes, les enseignants, les bougeurs,
Les profs, les transmetteurs, les curieux et les drôles,
Les vivants, les mobiles, les pratiquants, les animateurs,
Nous tous qui nous croisons de séminaires en ateliers et de cours en stages,
Nous tous qui, parce que vivants et mouvants, heureux et curieux de l’être ainsi,
Nous tous qui partageons le goût de la connaissance du corps en mouvement,
Nous tous qui mesurons combien ces données éclairées sont précieuses,
Rappelons-nous jusque dans l’âme que nous le devons à chacun des plus généreux et des plus petits d’entre nous.
Nous leur devons l’immense respect de nous avoir, par leurs corps et par leur mort, accordé ce Savoir.
J’ai honte…